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Couverture, roman, Elle est Lui.

Extraits
ELLE est LUI

Elle est Lui

Icône Trou sans fond

 

PROLOGUE

 

 

 

Venez… N’ayez pas peur… Approchez... et surtout ne dites rien, je vous demanderai juste d’éviter les flatulences, on pourrait déranger…

 

N’est-elle pas belle de dos, ses cheveux auburn recouvrant son top épaules d’un blanc à en faire pâlir les ingénieurs en recherche de Procter & Gamble.

Elle n’a pas de prénom, me chuchotez-vous à voix haute. Je sais bien que je ne vais pas vous garder patient plus longtemps. Avant d’aller plus loin intéressons-nous vous et moi à ces caractères que la jeune femme est en train de taper à deux mains sur son ordi comme l’aurait fait une secrétaire de bureau sur une vieille machine Remington du début du siècle passé si elle avait eu la 5G.

Oh, mais dites-moi, c’est qu’elle attaque très fort l’écrivaine...

 

 

 

1.

 

 

2 Septembre 2020 – Bureau du premier étage – Mont Saint-Michel

 

Thibault se souvenait de ce début d’après-midi où il lui avait fait l’amour, un peu comme dans ces films où la lumière tamisée sublime les corps offerts aux caresses derrière les persiennes des maisons aux murs blancs. Toute sa vie il avait rêvé de cette fille qui pouvait lui apporter tout ce dont il avait cruellement manqué.

Chez elle, tout respirait la sensualité. Les courbes de ses hanches en mouvement dessinaient de folles arabesques dignes d’un ballet de Kamel Ouali. Ses reins étaient une invitation au désir, ne plus faire qu’un avec lui dans une fusion totale de sentiments éperdus.

Des jours qu’il n’avait plus quitté sa chambre, si ce n’était faire un tour au marché sur la place du village et lui ramener ces fraises gorgées de soleil provençal que bientôt il irait promener long de ses cuisses, presser délicatement dans son nombril en s’y attardant quelques secondes, avant de dessiner un grand huit autour de ses seins. Elle attendait le moment où il lui en remplirait la bouche pour les croquer généreusement, laissant échapper aux commissures de ses lèvres un filet de jus sucré qu’il s’empresserait de recueillir avec sa langue pour ne pas en perdre une seule goutte, avant de se jeter sur elle avec fougue et l’emmener au septième ciel sans ascenseur.

 

Et il y eut ce 13 juin où tout s’arrêta brutalement. Elle n’avait pas vu le bus scolaire surgir au bout du virage. En cherchant à éviter à tout prix la collision, sa mini Austin fit plusieurs tonneaux avant de s’écraser au fond du ravin.

Thibault avait pleuré toutes les larmes de son corps en voyant la boîte en sapin descendre lentement au fond du trou creusé la veille. Si affecté par la disparition d’Eva qu’il était bien décidé à sauter et la rejoindre dans la fosse dans laquelle elle allait reposer pour l’éternité.

Inconsolable, il quitta le petit cimetière des Alpilles et s’engagea…

 

— Ça va pas, c’est de la merde. S’exclama Manon en colère, j’en peux plus, j’arriverai jamais toute seule au bout de cette histoire. Mais pourquoi c’est tout le temps comme ça ? Il doit exister une solution… mais laquelle ?

Afin de couvrir le bruit des flots de gouttes qui s’échappaient de la douche où elle s’était réfugiée pour calmer ses nerfs, elle écoutait à fond Jerusalema le dernier tube si entêtant de l’été 2020 grâce à son enceinte connectée et se mit à hurler Ngilondoloze Ngilondoloze comme une possédée.

Au-dehors le soleil se couchait sur le Mont. Les derniers touristes français venaient de quitter les lieux. N’étaient pas nombreux les visiteurs étrangers à y avoir fait le voyage cette saison. Difficile de dire si les quelques moines de l’abbaye se mettaient à twerker tant semblait contagieuse la musique qui s’échappait de la fenêtre grande ouverte de sa salle de bain.

Quand soudain un cri retentit dans la pièce d’eau…

 

 

 

2.

 

 

2 Septembre 2020 – Bureau du premier étage – Mont Saint-Michel

 

— Mais quelle teubé, pourquoi j’y ai pas pensé avant ?

Manon savait maintenant qu’elle la tenait son idée et elle n’était pas prête à lâcher l’affaire. Tant pis pour le sèche-cheveux et le peignoir, l’ordi l’attendait. Nue devant son écran, elle se mit à taper fiévreusement de ses doigts encore pleins de gouttelettes d’eau, son post sur sa messagerie…

 

De : Manon50

> Quelqu'un de connecté pour venir en aide à jeune rom…

 

Logique, ça devait arriver, c’est la dernière goutte d’eau que n’avait pas aimé son engin à touches.

— Enfoiré, c’était pas le moment de me lâcher. Ça n'arrive qu’à moi ces trucs là, grave comme je suis maudite.

L’heure qui suivit, elle la passa à pulser l’air chaud de l’engin qui lui servait d’ordinaire à sécher sa douce crinière.

— C’est pas tout ça, mais faudrait peut-être que je me fasse à bouffer, moi.

 

Elle ouvrit le réfrigérateur dont les clayettes étaient désespérément vides. Une fois encore elle avait oublié de faire ses courses, trop prise par son départ de roman.

Dans un placard en hauteur traînaient quelques sablés ramollis de l’Abbaye au fond d’un paquet ouvert depuis au moins la création du monument. Ils feraient l’affaire pour cette nuit, le reste pourrait bien attendre demain. Elle engouffra goulûment le premier des trois gâteaux restants au fond de sa gorge, répandant ainsi un éclat de miettes sur son pauvre clavier gamer qui en avait vu bien d’autres avec elle.

Il devait exister un dieu de l’informatique, peut-être bien était-ce dû à l’offrande de douceurs sucrées celui-ci reprenait miraculeusement des couleurs et les leds situées au-dessous de ses touches se rallumèrent de mille feux. Cette fois elle put se rendre compte de son erreur et au moment de la corriger, ses yeux furent attirés par un message surprenant…

 

De : Tibo68

> Alors toi rom, toi vouloir argent. Moi pas money, avoir tout donné à unijambiste au feu rouge. Toi devoir trouver pépettes ailleurs, pas désespérer Mademoiselle, tous les chemins mener à Roms.

 

Mais c’est qui ce taré ? Et pourquoi il s’adresse à moi comme s’il parlait à une cagole. Tu vas voir ce que je vais lui répondre à ce dégénéré.

 

Sans même penser à la syntaxe de sa phrase, elle se mit à frapper…

 

De : Manou50

> Tu sais ce qu’elle te dit la Rom, d’aller te faire en… Et d’abord t’es qui toi ? Encore un de ces pervers qui va me montrer une photo de sa teub au premier date comme l’autre abruti des coups de Midi ?

 

De : Tibo68

> Doucement Miss, je cherche pas à te faire du mal, c’était juste histoire de te vanner avec la phrase que t’avais pas terminée.

 

De : Manou50

> Oui, mais c’est pas une raison pour te foutre de moi comme ça.

 

De : Tibo68

> Je le ferai plus, je t’en fais la promesse, ça te va ou tu préfères que je m’excuse à tes pieds avec un bouquet d’asphodèles entre les dents ?

 

De : Manou50

> Hein ? C’est quoi comme bouquet ça ? Tu peux pas en trouver des plus connus chez Interflora ?

 

De : Tibo68

> Si, mais c’est plus cher.

 

De : Manou50

> Crétin, si c’est comme ça que tu comptes me pécho, t’es mal barré.

 

De : Tibo68

> Excuse-moi Romy !

 

De : Manou50

> Romy… Mais why ? Depuis quand j’ai une tête à m’appeler Romy, moi ?

 

De : Tibo68

> Moi j’ai lu Rom, donc j’ai pensé Romy, c’est le premier prénom qui m’est venu.

 

De : Manou50

> Monsieur se prend pour Alain Belon maintenant. Dans ton cerveau de crustacé, t’as pas pu imaginer que j’ai pas eu le temps d’écrire la fin de ma phrase…

 

De : Tibo68

> Ah j’y suis maintenant... Jeune rom… pour rom-antique. C’est pas ce qui te caractérise en premier.

 

De : Manou50

> Dis donc Prince de Lu, t’as lu quoi ? Rom… c’est pour romancière.

 

De : Tibo68

> C’est ton habitude de pas finir tes mots quand tu tapes tapes ce refrain qui te plaît ?

 

De : Manou50

> C’est bien ma chance, je suis tombé sur un mec du 20e Century Fox. Dis-donc papi, on voit que tu n’écoutes pas de l’urban music, toi. T’as quel âge déjà ? Cinquante-deux ?

 

De : Tibo68

> Commence à diviser par deux et ça sera plus meilleur mieux déjà.

 

De : Manou50

> Trente et un… t’as trente et un ans, machin ?

 

De : Tibo68

> Ah je vois, madame a fait des études. Depuis quand cinquante-deux divisé par deux ça fait pas vingt-six, Romy ?

 

De : Manou50

> Ça va, tout le monde peut se tromper. Et puis cesse de m’appeler Romy, mon prénom c’est Manon.

 

De : Tibo68

> En tout cas Manon, t’as pas inventé l’eau de source, toi.

 

De : Manou50

> Pourquoi tu dis ça ? C’est pas cool, machin. Et je vois pas le rapport avec l’eau non plus.

 

De : Tibo68

> T’as jamais vu Jean de Florette ?

 

De : Manou50

> Non. On doit pas fréquenter les mêmes fleuristes. Ah j'y suis ! Florette ce serait pas le type de la crème du même nom ?

 

De : Tibo68

> Tu confonds avec Fleurette jolie fleur. Jean de Florette c’est comme Jean de La Fontaine... mais avec des sources.

 

De : Manou50

> Manon des sources, c’est ça. Je me disais bien qu’il y avait une histoire d’eau à quelque part. Et d’abord pourquoi jolie fleur ? Tu m’as déjà vue, machin ?

 

De : Tibo68

> Non jamais. Puis ça suffit avec Machin, mon nom c’est Thibault.

 

De : Manou50

> Thi Thi… Thibault ???

 

De : Tibo68

> Quoi, t’as jamais entendu ce prénom ? Faut sortir de ton trou.

 

De : Manou50

> Si bien sûr, mais… Thibault... ça, c’est la meilleure !

 

De : Tibo68

> Si c’est pour te payer ma tête avec Ba moin un tibo on me l’a déjà faite dans les Alpilles, il y a cinq ans.

 

De : Manou50

> Dans les quoi ? Répète un peu pour voir !

 

De : Tibo68

> Les Alpilles comme l’alpille voleuse de Rossini.

 

De : Manou50

> L’inventeur du tournedos ? Alors celle-là elle est poivrée. Qu’est-ce que tu foutais dans les Alpilles Thibault ?

 

De : Tibo68

> J’étais au lycée agricole de Saint-Rémy de Provence, mais quand maman est décédée, je suis parti vivre avec mon viticulteur de père à Gueberschwihr.

 

De : Manou50

> Et en V.F. sans les sous-titres, ça donne quoi ton Guébeuchevire ?

 

De : Tibo68

> C’est le nom d’un village sur la route des vins en Alsace. Tu es bien curieuse, Manon. Moi, je sais rien de toi.

 

De : Manou50

> On a tout le temps pour ça. Il y a un truc qui me préoccupe et que je veux absolument savoir. Est-ce que t’as connu une fille quand t’étais dans le sud ?

 

De : Tibo68

> Alors toi dans le genre indiscrète, tu fais pas mieux. C’est comme si je te demandais si ta grand-mère faisait du vélo.

 

De : Manou50

> Raté, elle fait de la trottinette électrique Mamie Juliette. Faut vivre avec son temps qu’elle me répète toujours.

 

De : Tibo68

> Pense à l’inscrire à Incroyable Talent elle va en faire du buzz.

 

De : Manou50

> On peut revenir sur cette fille que t’as connue en Provence ?

 

De : Tibo68

> Je préfère pas, ça me rappelle trop de trucs douloureux.

 

De : Manou50

> Dis-moi juste son prénom. Allez… te fais pas prier…

 

De : Tibo68

> Bon c’est bien parce que c’est toi. Elle s’appelait… Eva.

 

De : Manou50

> Je m’en doutais. Cette fois ça dépasse tout.

 

Sous le coup de la surprise, elle appuya malencontreusement avec sa souris sur le lien caméra qui renvoya l’image à son visiteur d’un soir. Étonné de l’apercevoir en tenue d’Eve, il s’écria…

— Je te rassure Manon, y’ a rien qui dépasse et surtout pas de l’écran.

Se rendant compte de son étourderie, elle s’enfuit dans sa chambre laissant à Thibault le loisir furtif d’apercevoir toute son anatomie de dos et mater ce trop court spectacle. Le micro de l’appareil était resté allumé quand il l’entendit dire au loin…

— Mais quelle conne, pour une fois que je me trouve un mec sympa faut que je me retrouve à poil devant lui comme une tepu en train de tourner une sextape.

— J’ai tout entendu Manon. Je te rassure t’as rien de ces filles-là. Reviens j’ai encore envie de tchatter avec toi.

— Tu permets quand même que j’enfile un peignoir ? Lui cria-t-elle de l’endroit où elle s’était retirée.

— Tout ce que tu veux Manon, mais c’est pas obligatoire. Te dérange pas pour moi.

— Mater des boules et des gougouttes, vous aimez ça les mecs.

— Tu fais erreur, je suis pas comme les autres.

— Ils disent tous ça et dès qu’une occase se présente, ils ont les yeux qui sortent de leur bite, euh je voulais dire de l’orbite.

— J’avais rectifié, Manon. Tu reviens quand ? Tu sais que parler à un écran vide c’est comme essayer une boite sans chaussures.

— J’arrive…

 

Dix-huit minutes plus tard, après s’être arrangé les cheveux…

— C’est quand même mieux comme ça, hein ? Je suis tout de suite un peu plus présentable. Dis-voir t’es plutôt beau gosse, Thibault.

— Et toi loin d’être vilaine.

— Sauf qu’on est pas là pour parler de ça.

— Je sais toujours pas ce que je fais là, dit le jeune homme, t’as pas eu le temps de m’expliquer.

— Je dois t’avouer que tu m’as surpris Thib’

— Ah d’accord, tu m’as déjà trouvé mon petit nom.

— Doucement le piaf, t’es pas ici pour me picorer.

— Pourtant je grappillerais bien cette jolie miette-là, lui indiqua-t-il en pointant le doigt vers son décolleté.

— Ah celle-là, trop tard elle est pour moi et hop !

En tentant de l’attraper avec sa bouche, son peignoir se défit une nouvelle fois. Le garçon au premier rang n’en rata pas une miette.

— Quand ça veut pas, ça veut pas lui dit-elle d'un sourire gêné tout en resserrant son peignoir avec la cordelette.

— Et si t’arrêtais un peu ton show à la Crazy Horse et que tu m’expliquais ce que t’attends de moi ?

— T’as raison j’ai assez dérapé comme ça. Venons-en aux choses sérieuses. Si j’ai écrit ce message tout à l’heure c’était pour demander de l’aide. Je cherche quelqu’un pour écrire avec moi. Et comme par enchantement, tu jaillis de la boite de Pandore.

— Tu veux dire que j’enjaille ta soirée ?

— Si on peut dire comme ça. Sauf que c’que tu sais pas bon génie, c’est que ton apparition ne peut pas être due au hasard.

— Et pourquoi ?

— Les Alpilles... Eva... et même ton prénom, tous figurent dans mon premier chapitre.

— Si t’es si intelligente que ça, dis-moi ce qui est arrivé ensuite.

— Ta copine, elle conduisait bien une Austin mini ?

— Comment tu sais ça, toi ?

— Puisque je te dis que je l’ai écrit noir sur blanc. Tu veux aussi que je te parle du bus de collégiens, du ravin et de tes larmes dans le cimetière de Saint-Rémy pour que tu me crois enfin ?

— Oh la vache, Mais c'est que tu sais tout. Si t'es si futée, qu’est-ce qui se passe après ?

— J’en sais rien, j’en suis restée au chapitre 1.

— Ça veut dire quoi tout ça ? Que je ne suis que le fruit de ton imagination et que tu m’as inventé ?

— Arrête ! Quand j’ai vu comme tu me matais les eins tout à l’heure, je peux te dire que t’es bien réel. Il y a autre chose derrière tout ça, mais pour le moment je vois pas. Si la vie nous a réunis tous les deux, c’est sans doute qu’on doit entreprendre quelque chose ensemble, et ce roman en est le point de départ.

— Comment tu peux être à ce point persuadée que je sois la personne qu'il te faut ?

— C'est purement intuitif, nous les filles on a un truc que vous possédez pas vous les mecs.

— Un zizi ?

— Un sixième sens, tu vois ça vient de là, dit-elle en lui indiquant l'endroit de son plexus solaire.

— Tu peux écarter un peu le peignoir que j'identifie l'endroit exact ? C’est pour mon GPS.

— Tu peux te brosser Thib', tu me la feras pas cette fois.

— Pas grave j'attendrai, comme dirait Dalida.

— Tiens c'est la chanteuse préférée de Mamie.

— Tu lui diras qu'elle est morte, j'espère que ça va pas la tuer au moins.

— Mais qu'il est con, je t'ai dit que ma grand-mère elle était moderne, alors arrête de la prendre pour une antiquité djadja.

— D'accord, mais on va s'y prendre comment ?

— Est-ce que t’as déjà écrit autre chose qu'à l'école, Thib' ?

— La liste des courses. Maintenant je me rappelle, ça me revient... j'ai même rempli un chèque.

— Tu peux pas être sérieux deux minutes ?

— Si tu veux que je te dise la vérité, il m'est arrivé d'écrire un scénario de film pendant mes heures de temps libre. Eva adorait en feuilleter les pages après avoir fait l'amour, pendant que je récupérais un peu mon souffle avant de passer la seconde couche.

— Ça va, tu peux me zapper les détails. N'oublie pas que je t'ai créé.

— Mais c'est qu'elle le croit en plus. Tu sais que ça se soigne le dédoublement de personnalité ? C'est juste une forme de schizo. Chez toi ça se caractérise par ton envie de coucher avec ton héros.

— Arrête avec ça, obsédé !

— Parle plutôt pour toi, puisque d'après toi j’existe pas.

— Je sais plus trop, t'arrêtes pas de m'embrouiller.

— Revenons à ton projet. Pour moi c'est ok Manon. Tu veux qu'on commence quand ?

— Demain ici à la même heure, et cette fois t'inquiète, je serai plus à oilpé.

— Dommage il me plaisait bien ce peignoir.

— Vicieux ! Tu veux plutôt dire ce qu’il y a en dessous ?

— Aussi !

— Si tu veux les revoir va falloir travailler dur.

— Mission acceptée Caporale Manon. Au rapport !

— Un mot de trop et te voilà déjà en train de penser sexe.

— À cause de rapport ? Mais t’y es pas du tout, c’est toi qui interprètes ça à ta manière. Je crois que t’as pas vu le loup depuis au moins… les trois petits cochons.

— Je te fais remarquer que c’est toi qui me parles de porc Weinstein !

— On va s’arrêter là pour ce soir, ok ? Demain je te fais une proposition.

— Une propo…

— Enfin c’est pas ce que tu crois, tu verras, j’ai mon idée…

 

 

 

3.

 

 

2 Septembre 2020 – 20h32.

Chambre de Thibault – Gueberschwihr

 

 

Mais qu'est-ce qu'elle trafique encore ? J'espère qu'elle a pas oublié notre rendez-vous. C'est vrai que j'aurai mieux fait de lui envoyer un message pour le lui rappeler même si j’hésite maintenant entre un pigeon voyageur, un télex ou un porteur, tellement ce monde va trop vite pour moi. Tant pis, même si elle me trouve relou je lui relance l'invit'.

 

Le jeune homme se mit à activer la touche qui actionna chez elle un avertisseur...

Mais après trois tentatives, toujours rien. Lui qui avait pris le temps de réfléchir toute la journée à la meilleure façon d'avancer ensemble dans son projet n'était pas certain qu'elle allait accepter ce qu'il comptait lui soumettre. Et ça l'angoissait à présent.

Il se remémorait ce qu'elle lui avait dit. Comment avait-elle pu savoir pour Eva et l'accident puisque seuls Victor le père de Thibaut et Laurence sa nouvelle compagne, étaient au courant du drame. Les habitants du village ignoraient tout de ce qui s'était passé dans les Alpilles. Lui-même tenait à garder cette histoire secrète. Officiellement il était rentré du sud pour aider Victor dans les vignes. Les vendanges venaient de débuter et ce n'était pas un peu de main-d’œuvre gratuite que lui aurait refusé son géniteur.

Ce matin même il était allé cueillir avec son père les grappes de raisins qui serviraient à faire du Pinot noir et du Gewurztraminer dans les caves où patientaient les fûts de chêne. Fatigué de sa journée, il n'attendait plus qu'elle daigne lui répondre. Toutes sortes de choses lui traversaient l'esprit. Et si c'était elle en fait qui n'était pas réelle ? L'aurait-il tout bonnement inventée pour pallier à sa solitude ?

Cette conversation de la veille il s'en rappelait les moindres mots, sans parler de ses deux globes de cristal qu'elle lui avait laissé entrevoir. Bientôt une heure qu'il s'évertuait à relancer le bip d'appel et toujours rien, quand enfin...

— Ah Thib' qu'est-ce que tu fais là ?

— C’est à moi que tu demandes ça je t'attends depuis une heure.

— Excuse j'étais dans la salle de bain, j'ai pas vu le temps passer.

— J'espère que t'en as profité pour la repeindre au moins. Vu l'heure qu'il est, la seconde couche doit être sèche.

— Arrête t'es pas drôle, là. T'as vu ? J'ai pensé à toi. J'ai remis le même peignoir.

— Tu te balades toujours à poil le soir ?

— Normal je suis naturiste.

— C'est pour ça que t’es autant pudique devant les gens. Et tu vas te baigner où ?

— Dans le port de cancale, ça distrait les huîtres.

— C’est pour ça qu’elles ont bon goût.

— Idiot t'as pas vu que je te faisais marcher ?

— Gueberschwihr-Cancale faut bien au moins deux bonnes paires de Nike.

— Maintenant que t'es là, dis-moi ce que tu penses franchement de notre affaire ?

— C'est compliqué...

— Tu vas pas me lâcher Thib' ? J’ai attendu toute la journée.

— C'est pour ça que t'étais en avance ce soir ?

— Oh ça va ! Monsieur est susceptible.

— Je passe l'éponge. Et pour rester raccord avec l'eau de ton bain, j'ai pas fait que buller aujourd'hui, toi et moi le savons bien.

— T’en as encore beaucoup des comme ça ? Dit Manon, moi ce que je veux savoir c’est comment on va se prendre.

— Tu veux dire s'y prendre ? Lapsus à l'assaillante !

— C'est bon. Passe à la suite !

— Est-ce que t’es joueuse, Manon ?

— Assez, oui.

— Ça me plaît, on est fait pour s'étendre.

— Pour s'entendre, Thib'. Et après c'est moi la lapsuceuse ? Non, mais tu trouves pas que t'y vas un peu fort ?

— Doucement, je suis quand même pas Vauban.— On s'égare...

— C'est vrai. Revenons à nos moutons de pré salé.

— T'as raison, on est si bien sur la baie. Si un jour tu viens au Mont, je te le ferai visiter avant le lever du jour.

— Ah parce que t’as l'intention de me balancer une invite ?

— On verra. Pour le moment la question n'est pas là. Comment veux-tu qu'on écrive ce livre à deux ?

— J'ai pensé qu'on peut être complémentaire. On écrit chacun à notre tour un chapitre, après on se le poste et l'autre va récupérer l'histoire où le premier l'aura laissée.

— Pas évident, mais intéressant. Explique un peu plus clairement !

— Tu as fini ton premier chapitre sur Ça va pas c'est de la merde ou quelque chose dans le genre.

— Attends je t'arrête tout de suite, ça c'est parce que j'étais vénère. La vraie fin c'est Il quitta le petit cimetière des Alpilles et s'engagea...

— Parfait, je vais donc reprendre là, et quand j'en aurais terminé je te repasse la patate chaude, ça te va comme ça ?

— Tu sais ce qui me plaît chez toi, Thib' ? C'est que tu doutes de rien. T'es prêt à me massacrer mon chef d’œuvre pour aller mettre tes grosses pa-pattes pleines de fingers dans mes lignes.

— Je savais que t’allais refuser. C'est trop avant-gardiste.

— Et d'abord qu'est-ce que t'en sais ? Tu t'appelles Messmer ou Patrick Jane ? Tu vois je vais t'étonner, mais je l’accepte ton deal. Moi aussi comme meuf je suis viticulturée et OK pour jouer avec toi.

— C'est top, d'autant que j'avais déjà une idée pour repartir après la dernière phrase, dit Thibault.

— Ah oui ? Et comment tu vas faire ?

— T'occupe ! C'est mon challenge. Tu touches pas à mes parties pour le moment, c'est zone interdite.

— Et allez ça recommence.

— Ma partie !

— C'est toi qu'est parti trop vite. J'aime pas trop ça. Ça me rappelle Kenny, Brian, Tommy et...

— Dis donc tu serais pas un peu collectionneuse de coups ?

— Alors là t'y es pas du tout, c'était juste un échange franco-anglais avec des collégiens d' Eton.

— Échange poussé à ce que je vois. Sans doute une passion pour les langues bien vivantes.

— Surtout la joue pas mec pudique. Me dis pas qu’avant Eva il n’y en a pas eu une douzaine d’autres ?

— Personne je te jure. Avec Eva on s’est tout appris ensemble, c'est pour ça que c'était si intense.

— Disons que moi j'ai eu besoin de leçons particulières.

— J'avais compris. Et t’as besoin d'autre chose ce soir ?

— De rien, ça va aller Thib. J'ai hâte de découvrir ce que tu vas écrire.

— Encore un truc Manon. Je peux garder mon vrai prénom dans ta story ?

— Ben oui puisque tes parents t'ont appelé comme ça à la naissance.

— T'as pas saisi. Je parlais pas de moi, mais du héros du roman.

— Tu touches pas aux noms. C'est une marque déposée comme Voldemore.

— Oh l'autre ! Voilà qu'elle se prend pour J.K. Rowling maintenant. Depuis quand t'es né dans le South Gloucestershire toi ? Je te croyais normande.

— T'y es pas Thib', moi je te parlais de Kenny, lui il est originaire de Bristol.

— Je vois, le mec qui a fait carton plein avec toi est de Bristol. Ça s'invente pas.

— Les autres habitaient...

— Écoute, si tu veux bien on va se passer de l'adresse des frères Karamazov, des Bogdanoff, des sept nains et des douze salopards, ça ira pour aujourd'hui.

— T'es fâché mon Tibou ?

— Non non je me documente. Pourquoi, ça se voit tant que ça sur mon visage ?

— Comme la trompe de Pinocchio.

— La trompe c'est Dumbo, on a pas du voir les mêmes Disney toi et moi.

— En attendant, fais de beaux rêves et à demain pour la suite. J'ai tellement envie...

— Envie de quoi, Manon ?

— De savoir où tu vas nous emmener.

— Parce que tu crois que j’ai prévu un rôle pour toi dans la distribution des caractères ?

— On ne sait jamais. Wait and see...

 

 

4.

 

 

4 Septembre 2020 – Propriété de Gueberschwihr – Thibault

 

Thibault entra en trombe dans la cuisine.

— Laurence, Dis à papa que je pourrais pas l’assister dans les vignes aujourd’hui ni les prochains jours.

— Tu peux pas prendre tes responsabilités tout seul Thibault ? T’es majeur maintenant, et je t’avoue que jouer la zone tampon entre toi et lui, je m’en passerais vraiment.

— C’est un service que tu peux me rendre, allez ! Maman l’aurait fait sans sourciller.

— Passe pour cette fois, mais il faudra quand même que tu apprennes à dire non à ton père si tu veux grandir.

— Papa est un homme qui aime pas être contrarié. Il a deux idées fixes dans la tête, sa récolte et son pinard et tout le reste passe après.

— Merci pour le reste Thibault.

— C’est pas ce que je voulais dire Laurence.

— Et quelle est la raison de ton absence ? À moi tu peux tout dire.

— Je vais aider une fille à écrire un roman.

— Tu as retrouvé quelqu’un dans ta vie ?

— Disons que c’est plutôt en bonne voie, mais c’est encore loin d’être gagné.

— Je vois, tu préfères aider une jeune inconnue que Victor.

— Tu ferais quoi à ma place ?

— Je veux pas prendre parti pour l’un ou pour l’autre, mais c’est vrai que tu dois mener ta vie, et je crois qu’écrire va te faire un bien fou. Depuis la disparition d’Eva, j’avoue que je t’ai jamais vu aussi décidé à te reprendre en main et ça me touche vraiment.

— Merci Lolo. C’est quoi que tu nous fais à manger ce midi ?

— Du schiffala, des pommes vapeur et de la choucroute.

— Pour une femme du Berry, tu t’es très vite adaptée à nos spécialités.

— Victor m’apprécie aussi pour ça.

— J’en doute pas…

 

Après être allé chercher son ordi portable, Thibaut quitta la maison pour prendre place sur le bord d’une fontaine du village et profiter des doux rayons de soleil qui illuminaient le ciel de septembre, tout en tapant ses premières phrases. Ce n’est pas l’imagination qui lui manquait…

 

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A Suivre ...  dans ELLE EST LUI

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Couverture, roman Elle est Lui.,

© Thierry Brenner 2021

© Photo avec la courtoisie de Valya Cileréa Photographies

 

ISBN : 979-8-459-41823-1

 

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Malheur ! Pourquoi avoir appuyé sur ce bouton ? Ta maman t'a jamais appris à pas toucher quand on connait pas ?

A présent, tu viens de t'enliser dans les sables mouvants. 

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C'est moche, mais apprends que cet idiot d'auteur a piégé son site. Et comme je ne veux surtout pas être le complice de ça , je t'offre la possibilité de repartir d'où tu viens. Surtout, ne lui dis rien, sinon il va encore me virer. Je compte sur ta totale discrétion.

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Bonne remontée ! 

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